Cette tribune libre a été publiée dans le quotidien Metro, le 25 juin 2007.
On s’émeut à juste titre en Bretagne d’une série d’incendies criminels, qui, depuis deux mois, frappent les chapelles du Finistère.
La récente destruction de la chapelle de Loqueffret a notamment permis aux enquêteurs de localiser un réseau lié à la mouvance « gothique ».
Qu’en est-il exactement ? Sur les lieux du forfait, on observe les lettres mystérieuses »ABM », suivies d’une croix inversée. Le sigle désigne en fin de compte un groupuscule d’extrême droite, lié au satanisme et sondant la mouvance gothique : « Aryan Black Metal ».
Il s’agit là bien entendu d’individus dérangés, saoulés de bêtise et de haine. Mais sont-ils représentatifs ? Doit-on s’alarmer de voir chalouper dans nos villes des adolescents vêtus de noir, au visage blafard et à la mine blasée ?
Le phénomène gothique mérite qu’on s’y attarde. Ce mouvement d’un genre particulier revêt un double visage. On peut y voir simultanément une contre-culture et une sous-culture.
Qui trouve-t-on chez les Gothiques ?
Des jeunes gens romantiques qui lisent Baudelaire et Rimbaud, marchent dans les forêts en automne et affirment leur individualité. Ceux-ci nourrissent un mouvement contre-culturel, d’une rare richesse.
Mais la mouvance est également farcie de gens influençables, fascinés par un satanisme mal digéré, nourris de séries télévisées, à l’exemple emblématique de Buffy et les vampires. Ceux-ci rampent dans la sous-culture.
Telle est l’ambiguïté de la mouvance gothique. On trouve en son sein d’authentiques poètes, des créateurs, des artistes. Ces fortes personnalités cohabitent avec de pauvres malades, plus ou moins illettrés.
Tout ceci n’a rien de nouveau. La génération hippy, le punk et la new wave présentaient également ce double visage.
Le mouvement gothique ne saurait en conséquence être assimilé à la seule litanie des faits divers sordides. Les imbéciles manipulés qui incendient les églises ne représentent que la frange sous-culturelle d’un phénomène passionnant.
La tribu gothique est porteuse d’un univers, romantique, désespéré, à l’image des groupes historiques et emblématiques qui constellent son firmament : Cure, Joy Division et les autres…
On ne doit surtout pas la confondre avec la grotesque phalange qui la borde en la discréditant.