Texte écrit en juin 2005.
Le moins que je puisse écrire, c’est que mon Histoire Générale de l’Ultra Gauche (Denoël, 2003) n’est pas passée inaperçue.
Le livre a déclenché dans les microcosmes liés à cet univers des réactions outragées, haineuses et disproportionnées. Devais-je m’en étonner ? De livre en livre, j’interroge ma propre mémoire et ma jeunesse. L’Ultra Gauche m’intéresse depuis l’adolescence. J’ai voulu la raconter avec mes mots, qui n’étaient pas ceux d’un militant. C’est probablement cette distance critique qui scandalise.
Etranger au milieu et parfois critique : il n’en fallait pas plus pour déclencher une formidable colère. La palme revient sans doute à Révolution internationale et au Prolétariat universel (sic), qui se sont cantonnés à des arguments ad hominem. Je précise à ce propos que je ne suis pas journaliste à Paris Match. D’ailleurs, qui est le journaliste ? Est-ce l’écrivain, coupable d’avoir commis un livre, ou le critique qui l’étrille… dans un journal ? Que penser de la revue Ni Patrie ni frontières, qui me décrit comme « un serpent », en une formule digne de Brasillach ? De son côté, Loren Goldner affirme que j’aurais donné une suite au Livre noir du communisme.
Journaliste, serpent, bourgeois et Juif…
J’ai tout lu, tout entendu. Aux yeux de mes détracteurs, je suis apparemment un journaliste amateur de gros coups et désirant faire de l’argent sur le dos de l’Ultra Gauche.
À l’évidence, ceux qui me fusillent ignorent mes mobiles. Je suis poussé par une quête personnelle. De livre en livre, je cisèle un monde. Les marges de la culture et de la politique, je les explore parce qu’elles me semblent pleines de lumières autant que chargées d’ombre. Mon regard n’en demeure pas moins subjectif et critique.
J’aimerais en peu de mots répondre aux critiques « sérieuses » qui ont été formulées.
J’aurais sali la mémoire de Socialisme ou Barbarie en prétendant qu’il s’agissait d’un groupe négationniste.
Il s’agit là d’un pur mensonge. J’ai simplement pointé le fait que les militants Ultra Gauche et négationnistes se réclamaient à très haute voix de l’héritage de S ou B. Je songe à La Guerre Sociale ou à Pour L’intervention communiste. Entre autres. Je n’ai jamais identifié Lefort ou Castoriadis à des « négationnistes » !
Mon livre n’est qu’un copié collé.
Ai-je ainsi plagié de précédents ouvrages en les recopiant sans autre forme de procès ? L’argument est pour le moins curieux. Tout livre historique puise dans les travaux précédemment écrits. Je n’ai pas dérogé à la règle. Aurais-je dû omettre les sources et ne pas citer Philippe Bourrinet, dont les travaux sont importants ?
Le livre comporte de graves erreurs.
Je rappelle que cette histoire de six cent pages porte sur des myriades de groupuscules. Quelles sont donc les fautes gravissimes qui me sont imputées ? J’ai confondu Pierre et Gérard Monatte. Certes, je bats ma coulpe. Mais dois-je préciser que le nom de Monatte n’apparaît qu’une seule fois dans le livre et de manière incidente, puisque l’Histoire Générale de l’Ultra Gauche ne traite pas du syndicalisme révolutionnaire mais de l’Ultra Gauche ? On m’accuse aussi d’avoir confondu Paul Mattick et Paul Matisse. Le nom de Mattick est cité près de quatre-vingt fois. Une fois et une seule, il est fâcheusement remplacé par Matisse. Il s’agit d’une faute de la claviste. Deux erreurs sur six cent pages dans un ouvrage historique. Pourquoi n’ai-je pas droit à l’indulgence dont bénéficient les autres chercheurs ? Parce que je n’appartiens pas à la famille et que je suis décidément louche ?
Le livre n’est qu’une compilation de ragots.
Mais pourquoi aurais-je une propension aux ragots ? Pour faire vendre ? En proposant cet ouvrage à Denoël, je n’imaginais pas qu’il pût constituer un best-seller. Qui pourrait l’imaginer ? Entre autre ragots, on m’accuse d’avoir dit que René Lefeuvre et Spartacus étaient financés par la CIA. C’est faux, j’ai simplement observé que Lefeuvre avait édité dans les années cinquante un auteur de droite, pro-américain et conservateur nommé Suzanne Labin.
J’aimerais en conclusion dissiper un malentendu. D’aucuns se sont offusqués, parce qu’un aventurier dans mon genre osait se prévaloir d’une « histoire générale ». N’y avait-il pas là un brin de forfanterie et mon orgueil ne devait-il pas être châtié ? Le titre s’inspire en réalité d’un livre que j’admire. J’ai longtemps été fasciné par l’Histoire Générale du Bund, d’Henri Minczeles (Austral, 1995). J’ai voulu rendre hommage à un courant hérétique et juif, que j’ai toujours respecté. Ceux qui m’attaquent avec tant de hargne devraient finalement s’interroger. Pourquoi ne peuvent-ils supporter que l’on pose sur eux un regard détaché, critique et nuancé de sympathie ?